Section Tarnos - Seignanx

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Quimper. Les cheminots reconduisent la grève / Le Télégramme / 15 mai

le 06 June 2018

Quimper. Les cheminots reconduisent la grève / Le Télégramme / 15 mai

 

Les cheminots quimpérois et lorientais organisent la consultation interne à la SNCF sur la réforme. (Photo Jacky Hamard)

Quelque 120 cheminots quimpérois et lorientais tiennent une assemblée générale, ce lundi matin, devant l’antenne quimpéroise de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Finistère. Le rôle de la CCI étant d’impulser le développement économique du département, la CGT estime que « ce développement ne pourra se faire sans celui du service public ».

Les syndicats ont aussi rappelé que la CCI milite pour un TGV à trois heures de Paris pour Brest et Quimper. Ils affirment qu’avec la réforme de la SNCF, « il y aura moins de TGV et encore moins un TGV à trois heures de Paris ».

Vers 11 h 45, ils prenaient la direction de la gare pour un pique-nique. Les cheminots quimpérois et lorientais ont voté la reconduction de la grève pour la dixième session (18-19 mai) , par 62 voix pour et 6 abstentions.

 

Quimper. Rencontre entre la sénatrice et le collectif Stop Ceta / Ouest-France / 12 mai 2018

le 06 June 2018

Quimper. Rencontre entre la sénatrice et le collectif Stop Ceta / Ouest-France / 12 mai 2018

Quimper. Rencontre entre la sénatrice et le collectif Stop Ceta / Ouest-France / 12 mai 2018 / Yuna COJEAN

 

Photo d’Ouest-France : les membres du collectif Stop CETA-TAFTA de Quimper Cornouaille (Finistère), de gauche à droite : Simone Jaouen, Yvonne Rainero, Henri Guillou, Jean-Paul Le Pohon, Pascal Petit.

Une délégation du collectif Stop Ceta-Tafta Quimper Cornouaille a rencontré la sénatrice du Finistère Maryvonne Blondin à sa permanence de Quimper ce vendredi 11 mai après-midi.

« Nous avons été écoutés » déclarent les représentants du collectif Stop Ceta-Tafta de Quimper Cornouaille (Finistère). Ils ont rencontré la sénatrice Maryvonne Blondin ce vendredi.

Le collectif est contre le Ceta, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. La France n’a pas encore ratifié cet accord et le collectif souhaite l’organisation d’un référendum d’initiative partagée. Ce dispositif est inscrit dans la constitution. Il permet aux citoyens de donner leur avis sur une proposition de loi. Pour qu’il ait lieu, il faut cependant recueillir 185 signatures de parlementaires : députés et sénateurs.

« Nous organisons une campagne auprès de tous les élus locaux, explique Henri Guillou, porte-parole du collectif, nous les informons sur les dangers de cet accord. »

Le collectif Stop Ceta-Tafta dénonce une « opacité » autour de ce dossier.

La délégation est plutôt satisfaite de la rencontre avec la sénatrice.

Maryvonne Blondin n’a cependant pas déclaré son positionnement vis-à-vis du référendum. « J’attends d’en discuter avec mes collègues, ce n’est pas une décision qu’on prend seul, mais j’ai fait part de mes préoccupations concernant le Ceta au collectif, notamment sur les questions du droit social, sur l’agroalimentaire et les droits sanitaires. »

Huit états comme la Lettonie, Malte ou encore le Danemark ont accepté la ratification de l’accord de libre-échange.

Le collectif continue sa campagne en Bretagne. « C’est un travail pédagogique auprès des parlementaires, en espérant que le référendum ait lieu pour faire le même travail auprès des citoyens » ajoute Pascal Petit.

Le Ceta n’est pas encore inscrit dans les ordres du jour au Sénat.

 

 

 

 

Bassin d'emploi de Quimper : toujours plus de précarité

le 06 June 2018

Bassin d'emploi de Quimper : toujours plus de précarité

Les variations sur un an font apparaître une diminution du nombre de chômeurs de catégorie A mais pour l'ensemble des catégories ABC c'est une augmentation de 1,1% et de 3,8 % pour les plus de 50 ans.

Sur un an les offres d'emploi baissent de 24%, par contre celles pour des contrats de 1 à 6 mois progressent de 18 % depuis le début de l'année.

Ce qui progresse ce n'est pas l'emploi, c'est la précarité !

Cf l’article de Jacky Hamard dans le Télégramme du 9 mai : ici

 

Attention, il y a une erreur sur le graphique et le tableau qui lui est annexé : c'est le rouge qui représente les catégories ABC, comme l'indique la légende.

 

L’Humanité. Patrick Le Hyaric, directeur, invité à Carhaix / Le Télégramme

le 06 June 2018

L’Humanité. Patrick Le Hyaric, directeur, invité à Carhaix / Le Télégramme

Samedi 28 avril, à la pépinière d’entreprises, une cinquantaine de personnes ont participé aux débats du Café de la convergence des luttes sociales, auquel était invité le député européen Patrick Le Hyaric, également directeur du quotidien l’Humanité.

Animé par Maxime Paul (PCF 29), ce rendez-vous a été l’occasion pour différents intervenants syndicaux, politiques, associatifs, lycéen ou simplement citoyen de partager réflexion, inquiétudes et espoirs sur différents sujets d’actualité : perte d’indépendance industrielle de l’industrie navale suite au rapprochement de Naval Groupe et Fincantieri, entreprise italienne aux capitaux majoritairement chinois (Anne-Véronique Roudaut, secrétaire générale de la CGT 29) ; fusion des villes de moins de 5 000 habitants au profit des super communautés de communes, s’accompagnant d’un recul des services publics de proximité, « qui deviennent des services au public intégrant des services marchands » (Cinderella Bernard, présidente du groupe communiste CD 22, première adjointe à Bégard) ; lutte des cheminots dans la réforme ferroviaire (Gabriel André et Yvon Coat, CGT des Cheminots) ; sort des Palestiniens (Jean-Pierre Jeudy, AFPS Centre-Finistère) ; risque de fermeture de la ligne Carhaix-Guingamp (Félix Leyzour, ancien maire de Callac) ; luttes lycéennes (Glenn Le Saout, président de la FIDL Bretagne) ; réforme des retraites, privatisation de la sécurité sociale à venir…

Commentant chaque groupe d’interventions, Patrick Le Hyaric a partagé son analyse sur ces sujets d’actualités, invitant les différents mouvements à converger et réfléchir à des solutions locales pour influer sur une Europe ultralibérale lors des élections européennes de 2021. « La question n’est pas pour ou contre l’Europe, mais comment s’orienter vers une Europe sociale des peuples ».

En conclusion de ce débat, qui aura duré deux heures et demie, Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF 29, a pointé du doigt les choix du préfet, « menant une politique très dure à l’encontre des migrants, tout en autorisant une manifestation xénophobe à Scrignac, la semaine dernière ».

Le Télégramme, 3 mai 2018

 

Carhaix:convergence des luttes sociales avec Patrick Le Hyaric, député européen, Cinderella Bernard (conseillère départementale PCF du 22), Anne-Véronique Roudaut (CGT 29), Gabriel André (cheminots CGT)

le 06 June 2018

Carhaix:convergence des luttes sociales avec Patrick Le Hyaric, député européen, Cinderella Bernard (conseillère départementale PCF du 22), Anne-Véronique Roudaut (CGT 29), Gabriel André (cheminots CGT)

D'après le Chiffon Rouge

Les 50 personnes qui avaient fait le déplacement à la pépinière d'entreprise de Carhaix ce samedi 28 avril 2018 pour assister et participer au débat du Café de la convergence des luttes sociales ne l'ont pas regretté, car ce fut vraiment un moment de partage d'expérience de luttes et de réflexion sur les perspectives, les manières de résister aux orientations néo-libérales pro-finance de l'Union Européenne et de Macron, se traduisant par la casse de la sécurité sociale, des services publics, des liens démocratiques, l'affaiblissement des collectivités locales. 

En introduction, Maxime Paul, initiateur (avec les camarades de la 6e circonscription) et animateur de ce débat, candidat du PCF dans la 6e circonscription du Finistère aux législatives de 2017, a présenté les interventions et l'originalité de ce débat en remerciant les responsables de la CGT, nombreux à Carhaix hier, de s'être déplacé le week-end malgré leurs semaines chargées dans le développement actuel des luttes.  

Anne-Véronique Roudaut, secrétaire générale de l'UD CGT 29, a exposé la conception que la CGT se faisait de la convergence des luttes à partir d'en bas, du travail de rassemblement sur des revendications concrètes et spécifiques, sur la diversité des lieux de travail, et posé la question des conséquences pour l'industrie navale et le commerce des armes du rapprochement de Naval Groupe et de l'entreprise italienne à capitaux majoritairement chinois Fincantieri. 

Cinderella Bernard, présidente du groupe communiste au Conseil Départemental des Côtes d'Armor, première adjointe au maire à Bégard, candidate aux dernières législatives dans la circonscription de Guingamp, a développé la question des contraintes pesant sur les collectivités locales pour fusionner, rentrer dans des logiques de compétition, de réduction des services publics et de liens de proximité et démocratiques avec les citoyens.

Puis Patrick Le Hyaric a pris la parole sur les orientations européennes actuelles, pro-finance, la manière dont on peut néanmoins construire sur certaines questions des majorités progressistes au Parlement Européen. Il a parlé de l'industrie navale militaire, des jeux de casinos capitalistes dans le domaine, des politiques impérialistes et de guerre de l'Alliance Atlantique, de la Palestine, de la Syrie, des Migrants et du droit d'asile, de l'Université, du manque d'assiste populaire du pouvoir Macron et des conséquences de sa politique sur les plus modestes. 

De nombreux interventions ont ponctué ce débat: Gabriel André, Yvon Coat, Gilbert Sinquin pour la CGT des Cheminots, Glenn Le Saout, pour la FIDL Bretagne, Jean-Pierre Jeudy pour l'AFPS Centre-Finistère, Catherine Flageul, Félix Leyzour, ancien maire communiste de Callac et conseiller général, etc. Christian Troadec, maire de Carhaix, dont le conseil municipal a voté à l'unanimité sur proposition de Jean-Pierre Jeudy un voeu pour faire de Salah Hamouri le citoyen d'honneur de la ville, est venu saluer Patrick Le Hyaric à l'occasion de l'apéritif militant organisé à la pépinière d'entreprise à 12h. Ils ont pu parler de leurs délégations de solidarité en Palestine.   

Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF Finistère, est intervenu sur l'inhumanité de la politique actuelle vis-à-vis des migrants en faisant écho aux témoignages de migrants de Guinée Conakri rencontrés à l'occasion de la marche du droit d'asile entre Guipavas et Quimper et au CAO de Lampaul Guimiliau, sur les situations de migrants dublinés, jetés à la rue, privés de droit, ou expulsés alors que malades et soignés en France, sur les enjeux du congrès du PCF et le rôle essentiel que peuvent jouer dans la période actuel le PCF et la CGT, sur les dangers d'une montée en puissance de l'extrême-droite et de l'extrême-droite radicale que ne semble pas chercher à contrecarrer l'Etat.         

 

 

Philippe Verbeke (CGT). « Pour éviter une guerre commerciale sur l’acier »

le 02 June 2018

Philippe Verbeke (CGT). « Pour éviter une guerre commerciale sur l’acier »

Après la décision américaine sur l’acier, ce syndicaliste de la sidérurgie appelle à favoriser des négociations.

La Marseillaise. Les salariés risquent-ils d’être pris en otage dans ce dossier ?

Philippe Verbeke. On peut toujours craindre des répercussions. A partir du moment où s’instaurent des guerres commerciales, cela peut jouer sur la production de certains sites ayant des débouchés vers les Etats-Unis. A ArcelorMittal, 3% de la production européenne partent aux USA. Ce ne sont donc pas des volumes hyper conséquents. Or, il y a quand même des usines concernées. Gandrange par exemple, dont le tiers du carnet de production est destiné aux USA, ou certains marchés d’Ascométal qui le sont aussi. Dans notre jargon, on appelle ça des marchés de niche, à très haute valeur ajoutée. Ce sont des aciers spéciaux, notamment à destination de l’énergie et de la mécanique, du très haut de gamme que bien souvent les Américains ne produisent pas. Trump veut décourager la pénétration du marché américain sur certains aspects, qu’ils ne réalisent pas. Il est donc peut-être en train de se tirer une balle dans le pied.

La Marseillaise. Quel impact sur l’emploi ?

Philippe Verbeke. C’est compliqué à estimer car ce sont des marchés très limités, qui ne concernent que les USA. Il s’agit de multinationales qui y ont souvent un pied. Et ce qui pourrait être perdu ici pourrait être gagné là-bas. Je ne pense pas qu’on puisse craindre des effets très importants en termes d’emploi. Sauf si, suite aux taxations américaines, on a des aciers d’autres pays, d’Asie par exemple ou d’Amérique, qui viennent se déverser en Europe parce qu’ils ne peuvent plus le faire aux Etats-Unis. Or, on est que sur une facette du problème. Car en France et en Europe, cela fait plusieurs années que les multinationales démolissent nos capacités de production. De cette façon, on crée un appel d’air aux importations venant d’Asie et d’Amérique. Malgré les gesticulations de Macron, nous n’avons pas de soutien politique national sur la filière sidérurgie.

La Marseillaise. Quelle réponse française et européenne attendez-vous à la décision américaine ?

Philippe Verbeke. Il faut rentrer dans des processus de négociations, car si on s’engage dans des guerres commerciales cela pourrait provoquer une escalade qui concernerait d’autres produits. On parle de l’acier et de l’aluminium aujourd’hui, on évoque de possibles mesures sur le marché automobile. Etant donné les connexions internationales actuelles quant à nos productions manufacturées, on risque effectivement d’avoir des effets collatéraux importants.

La Marseillaise. Vous menez la bataille syndicale au niveau européen ?

Philippe Verbeke. En effet. Nous dépendons d’ailleurs d’une fédération européenne des syndicats : Industriall Europe. Elle est en pourparlers constants avec la Commission européenne pour que l’on puisse justement entrer dans ce processus de négociations, poser les enjeux en termes d’emploi et de production en Europe afin de pouvoir déboucher sur des prospectives négociées.

Entretien réalisé par (La Marseillaise, le 2 juin 2018)

L’UE riposte par une plainte à l’OMC

La Commission européenne a lancé sa première riposte aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium en portant plainte vendredi à l’Organisation mondiale du com- merce (OMC) contre les Etats-Unis.

« Les États-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux », a averti la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström.

Elle a parallèlement fait savoir que l’UE allait porter plainte contre Pékin devant cette même OMC, pour protester contre le « transfert injuste de technologie » des entreprises européennes actives en Chine.

Pour Cecilia Malmström, l’annonce simultanée de ces deux plaintes « démontre que l’UE ne choisit aucun camp. Nous défendons un système multilatéral pour un commerce mondial fondé sur des règles », a-t-elle plaidé.

La Marseillaise, le 2 juin 2018

Les régimes de retraite solidaires en ligne de mire

Par Lamirand Bernard, Relave Aimé, le 01 June 2018

Les régimes de retraite solidaires en ligne de mire

Le gouvernement a annoncé une réforme systémique de notre système de retraite pour 2019. Bernard Lamirand et Aimé Relave ont réagi à cette annonce dans les colonnes de l’Humanité le 12 juin dernier. Face à l’importance de l’enjeu, nous publions leur tribune dans ce numéro.

Le président de la République vient de lancer le débat et une consultation concernant le devenir de nos systèmes de retraite. Un projet de loi en ce sens devrait être déposé courant 2019. De l’avis des experts, il n’y a pourtant pas, aujourd’hui, nécessité d’une réforme pour raisons financières.

L’objectif présidentiel est avant tout de saper la solidarité qui est à la base des différents régimes, de fusionner le régime général de la Sécurité sociale, les retraites complémentaires Agirc-Arrco, celui de la Fonction publique, les régimes spéciaux, sans oublier les non-salariés, en un seul régime de retraite dit universel.

L’idée retenue étant la simplification et l’égalité des droits entre citoyens concernant leur retraite avec une seule façon de la calculer, quelle que soit la situation des intéressés. Pour le financement, le candidat président avançait dans son programme électoral l’objectif : « Pour un euro cotisé, un euro versé. »

Cette réforme systémique induirait un mécanisme individuel lié au parcours des cotisants. De leur entrée au travail jusqu’au moment où ils prennent leur retraite, les attributaires disposeraient ainsi d’une sorte de tirelire pour puiser au moment de leur départ la pension qui serait en valeur égale à ce qu’ils auraient pu verser. Rien ne paraît figurer, dans cette perspective, pour la prise en compte des aléas de la vie : précarité au travail, maladie, chômage, périodes consacrées à l’éducation des enfants, etc. Tout le contraire d’une retraite solidaire telle que celle instituée par Ambroise Croizat, ministre du Travail et de la Sécurité sociale de 1945 à 1947.

Le dispositif avancé vise à aboutir à des pensions de retraite personnalisées : « le chacun pour soi » ; et à des inégalités criantes au bout entre ceux qui auront eu des carrières complètes, des revenus élevés, et les autres, victimes de la précarisation de l’emploi ou de discriminations et d’inégalités salariales importantes, notamment concernant les femmes. Lorsque l’on parle de réformes en matière de retraites, il convient d’avoir à l’esprit que toutes celles qui se sont succédé depuis plus d’un quart de siècle ont conduit à des restrictions de droits en la matière. La perte conséquente du pouvoir d’achat des pensions constitue le dénominateur commun appliqué à tous les régimes de salariés.

Aux retraités-es qui lui font part de leurs difficultés, le président la République répond sentencieusement : « Vos cotisations ont payé les pensions des retraités de votre temps, aujourd’hui ce sont les jeunes qui paient pour vous. » Il omet sciemment d’ajouter que, au-delà des cotisations, les intéressés ont aussi, par leur travail, créé des richesses dont il serait légitime qu’ils perçoivent aujourd’hui les retombées. Macron envisage une retraite unique à partir d’un calcul par points dont on ignore quels seront les paramètres d’évolution. Un système à l’opposé des régimes actuels fondés sur une évolution des pensions en lien avec les salaires, même si le mécanisme est aujourd’hui galvaudé, le principe demeure. Qu’en sera-t-il demain ?

Des régimes de retraite différents existent depuis longtemps. Certains proviennent d’acquis des salariés. D’autres couvrent certaines professions libérales et artisanales, qui, par refus de la solidarité, ont décliné leur entrée dans le régime général de la Sécurité sociale, comme le leur proposait Ambroise Croizat en 1946.

Le projet présidentiel vise à une refonte et à une simplification du système au prétexte d’égalité dans les droits. Cela peut paraître de bon sens, mais ne nous y trompons pas ; d’une part, on ne peut rayer d’un trait de plume des droits que les salariés se sont acquis par leurs luttes ; d’autre part, l’objectif final est d’aller vers l’individualisation et la capitalisation pour la satisfaction du monde de la finance. Par ce biais, le patronat verrait ses charges s’alléger, la CSG, dont les salariés sont les tributaires essentiels, devenant la source principale du nouveau système.

On peut saisir cette « manigance » à travers la remise en cause du statut du cheminot. S’en défaire permettrait d’atteindre le but visé : mettre fin aux régimes spéciaux et les aligner par le bas car rien ne nous autorise à penser que Macron alignera les prestations retraites du privé sur les prestations actuelles du secteur public et nationalisé.

La cotisation des salariés et de l’entreprise édifiée par Croizat sauterait immanquablement. Nous rappelons à ce sujet un des articles faits pour l’Humanité le 12 juin 2013 sur le financement de la retraite. Le système édifié par Croizat fut celui de la cotisation et non de l’impôt. Une cotisation du salarié et une cotisation de l’entreprise prise sur la valeur ajoutée. Un financement solidaire (les actifs cotisent pour payer les retraites de leurs prédécesseurs et ainsi de suite). Ce système devait se généraliser à toutes les catégories de la population et les régimes spéciaux qui avaient une forme de calcul des droits plus avantageux étaient maintenus.

Les régimes spéciaux ont été créés, pour certains, dès le xixe siècle. Ils sont le fruit des luttes menées par les salariés pour faire prendre en compte les particularités de certaines professions, en compenser les servitudes. Ils appartiennent aux salariés qui les alimentent financièrement et sont partie prenante de l’identité sociale des professions qu’ils recouvrent.

Pour Ambroise Croizat, ils ont constitué des éléments de référence à la création du régime général de Sécurité sociale, avec objectif pour celui-ci d’atteindre leur niveau lorsque la situation économique le permettrait. Aujourd’hui, par exemple, supprimer l’accès au statut pour les nouveaux embauchés à la SNCF, comme l’indique le Premier ministre, c’est inéluctablement condamner les salariés actuels à ne plus avoir, d’ici vingt-cinq ans, les droits pour lesquels ils cotisent aujourd’hui. Leur régime de retraite sera financièrement exsangue faute d’alimentation.

Ainsi le tour serait joué : ce ne serait pas le régime général de la Sécurité sociale qui rejoindrait les régimes spéciaux et celui de la Fonction publique, mais, au contraire, ces derniers qui seraient contraints de s’aligner sur le moins-disant.

Où est l’idée de solidarité qu’invoque Macron dans ce jeu de dupes ? En définitive, l’occasion fait le larron et Macron avec son « euro cotisé pour un euro versé » amènerait tous les salariés à ne dépendre que de leurs versements sur des salaires amoindris par les conditions d’exploitation et de précarité. On appelle cela réduire le prix de la force de travail. Ce qui est proposé relève de « l’entourloupe ». La meilleure façon d’empêcher ce saccage de nos droits, c’est de consolider notre régime général et de lui permettre d’amener tous les salariés au niveau que Croizat visait, c’est-à-dire celui des régimes les plus élevés.

La vigilance et l’engagement des salariés actifs et retraités sont indispensables pour la défense et l’accès au droit à une retraite digne de notre temps. zzz

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*Animateur du comité d’honneur national Ambroise Croizat.

** Administrateur honoraire CGT de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse de la Sécurité sociale.

 

Enjeux d´un service public moderne de l'éducation face aux opérations de casse en cours

Par Teste Benoît, le 31 May 2018

Enjeux d´un service public moderne de l'éducation  face aux opérations de casse  en cours

Voilà un peu plus d’un an qu’Emmanuel Macron, prétendant représenter la « modernité », recycle en réalité les vieilles idées libérales et met en œuvre une politique d’austérité budgétaire, brutale à l’égard de la Fonction publique et de ses agents, parmi lesquels bien sûr les enseignants. L’étendard de la modernité étant tantôt brandi comme instrument de délégitimation du service public, tantôt utilisé comme repoussoir au profit d’un retour à un ordre ancien plus fantasmé que réel. Définir ce que devrait être un service public moderne de l’éducation revient donc à ne pas laisser le terrain de la modernité aux libéraux tout en affirmant que le véritable débat n’est pas dans une fausse querelle des anciens et des modernes mais bien dans la définition des permanences qu’il faut préserver et des évolutions nécessaires dans un objectif de progrès social.

Voilà un peu plus d’un an qu’Emmanuel Macron, prétendant représenter la « modernité », recycle en réalité les vieilles idées libérales et met en œuvre une politique d’austérité budgétaire, brutale à l’égard de la Fonction publique et de ses agents, parmi lesquels bien sûr les enseignants. Pas de place, dans le nouveau monde à construire, pour cet archaïsme que constitue le recrutement de personnels sous statut, ni pour le fonctionnement d’un service public unifié donnant un enseignement de qualité à toute la population.

Dans un jeu de miroir parfaitement orchestré, son ministre Jean Michel Blanquer communique au contraire sur le registre du retour au « bon vieux temps » de « l’école d’avant », dans un exercice fort curieux car il s’apparente bien souvent à la négation de sa propre action : les réformes, pourtant d’ampleur, sont minorées, ramenées dans les discours à de simples ajustements ou mesures de « bon sens ».

La stratégie de la diversion est ainsi poussée à son paroxysme dans le domaine de l’éducation, l’étendard de la modernité étant tantôt brandi comme instrument de délégitimation du service public, tantôt utilisé comme repoussoir au profit d’un retour à un ordre ancien plus fantasmé que réel. Imposer un retour au réel suppose d’analyser le véritable changement de modèle de société qu’impose à bas bruits le gouvernement.

Définir ce que devrait être un service public moderne de l’éducation revient donc à ne pas laisser le terrain de la modernité aux libéraux tout en affirmant que le véritable débat n’est pas dans une fausse querelle des anciens et des modernes mais bien dans la définition des permanences qu’il faut préserver et des évolutions nécessaires dans un objectif de progrès social.

Un service public moderne de l’éducation doit avoir pour ambition première d’élever le niveau de connaissances et de qualifications de toute la population

Élever le niveau de connaissances d’abord car dans un monde où les enjeux politiques et les évolutions de l’économie sont de plus en plus complexes, faire en sorte qu’un maximum de jeunes aille le plus loin possible dans les études et s’approprie ainsi des connaissances de champs multiples, qui leur permettront d’être des citoyens éclairés, réfléchis, critiques, voilà qui reste le grand objectif du service public d’éducation. C’est un enjeu politique de première importance car il conditionne la société que nous voulons construire. Les libéraux théorisent l’entrée dans « l’économie de la connaissance », qui n’est rien d’autre qu’une marchandisation accrue du savoir. Or, la confiscation du savoir par une minorité toujours plus restreinte prépare la catastrophe démocratique. Il s’agit donc au contraire de donner à tous les citoyens en formation les armes intellectuelles pour évoluer dans cette économie et cette société nouvelles, y faire preuve d’esprit critique, et pouvoir y accéder aux savoirs.

Élever le niveau de qualifications ensuite, afin de tirer l’économie du pays vers le haut. Dans ce cadre, un service public d’éducation moderne doit continuer de délivrer des diplômes nationaux et travailler à faire acquérir le niveau de diplôme le plus élevé possible. Le diplôme n’est pas qu’un bout de papier, il atteste d’un niveau de connaissances acquis par les individus. Les connaissances nécessaires pour exercer aujourd’hui la plupart des métiers, même ceux qu’on pense « peu qualifiés », ne cessent d’augmenter, et les entreprises le savent bien : si elles embauchent des gens diplômés, même pour des postes « peu qualifiés », c’est bien pour bénéficier des savoirs et des savoir-faire acquis par les jeunes à l’école, même si elles ne rémunèrent pas forcément ce surplus de savoir qu’elles utilisent pourtant. Malgré les critiques souvent entendues contre le baccalauréat qui, « donné à tous », « ne vaudrait plus rien », il faut réaffirmer que l’accès accru au baccalauréat a été un progrès social qui a profité aux catégories populaires. On objectera que le baccalauréat n’ouvre plus, aujourd’hui, à des emplois aussi qualifiés que par le passé, mais ce n’est pas une preuve d’une dégradation de sa valeur, ou plus largement des diplômes, bien au contraire, c’est la preuve de l’évolution des métiers. « Avant », pour être mécanicien automobile, un CAP pouvait certes suffire alors que maintenant il faut un baccalauréat professionnel. Mais le métier de mécanicien automobile est-il vraiment le même qu’avant ? Les savoirs à maîtriser ne sont-ils pas plus nombreux et plus pointus, en lien avec les incessantes évolutions des technologies ? Si le bac professionnel, aujourd’hui, débouche sur des métiers pour lesquels le CAP était suffisant il y a quelques décennies, c’est parce que ces métiers sont devenus plus exigeants. Faire reconnaître la qualification détenue à sa juste valeur est l’objet du combat permanent des salariés, le niveau de diplôme constitue indéniablement une condition certes pas toujours suffisante mais évidemment nécessaire pour mener cette lutte alors que le libéralisme cherche par tous les moyens à déqualifier le travail. Pour les progressistes que nous sommes, tous les élèves sont capables de réussir et le lycée doit se fixer comme objectif d’amener au baccalauréat l’ensemble d’une génération.

Loin de répondre à cette exigence, la réforme Blanquer du lycée, contestée par les personnels et les organisations lycéennes, dynamite le baccalauréat comme examen national, anonyme et terminal. Le nouveau baccalauréat entre en vigueur à la rentrée 2019 en Première avec la mise en place d’épreuves communes dès la fin du premier semestre, sortes de « partiels » sur le modèle universitaire. Ne seraient conservées que 4 épreuves finales, comptant pour 40 % de la note. Les épreuves communes transformeront le cycle terminal (les deux années de première et terminale) en course folle à l’évaluation puisque sur les deux années, on atteindra allègrement la trentaine d’épreuves au lieu d’une dizaine actuellement, et surtout la majorité de la note relèvera désormais du contrôle local ou continu. Le bac deviendra un examen de fin d’études secondaires dont la valeur dépendra de la réputation du lycée dans lequel on le passe.

La loi ORE (orientation et réussite des étudiants) de 2018 créant en particulier Parcoursup, contestée par les personnels et les étudiants, s’inscrit parfaitement dans cette logique libérale : il s’agit de ne plus offrir l’accès à l’enseignement supérieur à l’ensemble des lycéens par refus des investissements nécessaires. Elle instaure la sélection à l’entrée à l’université. Le « parcours » individuel de l’élève comme les choix de spécialités et les engagements extrascolaires conditionneront largement la poursuite d’études au regard des attendus des formations envisagées. Cette loi part aussi du présupposé que le principal enjeu de la démocratisation du lycée et de l’enseignement supérieur serait l’orientation. Ainsi, pour faire mieux fonctionner le système, il suffirait que l’orientation des élèves soit plus pertinente. On passe ainsi sous silence le manque d’anticipation criant des besoins dus à la pression démographique dans l’enseignement supérieur (808 000 candidats en 2017 pour 654 000 places). Les gouvernements successifs en portent la responsabilité et on peut se demander si le fait d’en arriver au tirage au sort pour affecter les élèves, ne constituait pas un repoussoir tel que n’importe quelle autre solution ne pouvait apparaître que meilleure. On voit aujourd’hui qu’avec cette plate-forme, près de la moitié des lycéens se retrouvent sans affectation au premier tour.

La question de fond reste celle des efforts que la nation est disposée à consentir pour augmenter le niveau de formation dans l’enseignement supérieur. Or, pour le gouvernement, il ne s’agit pas de mieux former la jeunesse pour renforcer ses chances d’insertion mais de faire face au moindre coût à l’afflux démographique sans dépenser plus.

C’est aussi la raison pour laquelle la FSU a toujours défendu un service public national de l’orientation scolaire et qu’elle s’élève avec force contre sa régionalisation en cours au nom d’une prétendue meilleure adaptation de l’offre de formation aux besoins du territoire : cette vision « adéquationniste » formation/emploi a été invalidée par de nombreux travaux de chercheurs. L’absence de visibilité à 5 ans sur le marché de l’emploi rend caduque toute tentative d’y inféoder l’offre de formation. Par ailleurs, la conception d’une orientation réduite à une bonne information fait totalement l’impasse sur d’autres travaux de recherche qui montrent la complexité des processus mis en jeux chez les jeunes. Les inégalités d’apprentissage et de rapport aux études en fonction des milieux sociaux restent très fortes et la peur d’échouer par rapport à son avenir scolaire et professionnel est très différenciée socialement. Parcoursup renforce ces biais. Par ailleurs, le risque d’avis négatifs selon les formations demandées ne peut que renforcer les inégalités sociales. Les élèves de catégories modestes, et plus particulièrement les filles, à résultats scolaires égaux seront plus anxieux. se. s et auront plus tendance à rabattre leurs choix sur des formations jugées moins prestigieuses. Leur demander « comment ils envisagent leur vie professionnelle dans dix ans » (fiche du premier conseil de classe de Terminale) est un biais social important qui va largement embarrasser les élèves de milieu populaire.

En éducation comme dans d’autres domaines, le court-termisme des libéraux et leur fascination pour les profits immédiats leur fait préférer un système éducatif au coût le moins élevé possible, qui créerait une main-d’œuvre directement employable et réserverait les qualifications les plus élevées à une petite partie de la population. Ce système est injuste et absurde sur le long terme, il est générateur d’immenses inégalités, de gigantesques frustrations et il prive la société de personnes instruites et pouvant exercer pleinement leur citoyenneté.

Face à des réformes et à des choix budgétaires qui la dénaturent, il est important de réaffirmer que le temps de l’éducation est celui du temps long et nécessite des investissements

Ce court-termisme libéral est terriblement compatible, en revanche, avec le temps du politique : tout ministre de l’éducation veut imprimer sa marque et se lance dans LA réforme d’envergure, celle que « personne n’a osé imposer avant » mais qu’un volontarisme visionnaire va enfin mettre en selle au bénéfice des élèves. C’est ce que les enseignants ont vécu avec la réforme du collège où l’interdisciplinarité était la « trouvaille » de Najat Vallaud Belkacem qui prétendait qu’enfin, grâce à cela, les élèves allaient s’épanouir et progresser… les enseignants, qui pour beaucoup pratiquaient déjà des formes variées de travail interdisciplinaire quand ils l’estimaient pertinent, sont ressortis de cette séquence avec beaucoup d’amertume et même le sentiment qu’ils participent à armes inégales au débat éducatif car ils n’ont souvent rien de véritablement spectaculaire à défendre : là où les gouvernants en viennent à se transformer en bateleurs de foires pour vanter la réforme miracle, les enseignants rappellent que la pédagogie est une science inexacte faite de tâtonnements, d’adaptations aux publics divers, d’échecs ou de réussites difficilement explicables et difficilement modélisables. Bref, rien de suffisamment spectaculaire, certaines choses fonctionnent mais pas tout le temps, d’autres nécessitent telle et telle condition pour réussir, un discours mesuré et nuancé, pas toujours médiatique mais en prise avec les réalités d’une classe. C’est ce que joue de nouveau Jean-Michel Blanquer qui a découvert les vertus d’un élément unique et quasi miraculeux : les sciences cognitives, qui nous apprennent de manière définitive comment on doit apprendre, dans quel ordre et avec quelles méthodes… Le guide « pour enseigner la lecture et l’écriture au CP » que vient de diffuser le ministère est de ce point de vue éclairant d’une volonté de mettre au pas les enseignants du primaire en prétendant diffuser les bonnes pratiques, niant l’expertise des professionnels qu’ils sont : de nombreuses dimensions, approches ou activités de l’apprentissage de la lecture sont ainsi ignorées quand elles ne sont pas proscrites : écriture approchée, méthode mixte, mémorisation de mots outils, utilisation du contexte pour comprendre.

Pour fonctionner, le système éducatif a besoin de constance et d’investissements conséquents. Plus que jamais à l’approche de la rentrée 2018 se pose la question de l’adéquation entre les moyens et les effectifs d’élèves. 26 000 élèves en plus attendus dans le second degré et 2 600 postes en moins, c’est l’équation qui tue l’éducation ! Le gouvernement s’est bien gardé d’annoncer le nombre de postes qu’il entendait supprimer ministère par ministère, mais avec 120 000 suppressions annoncées sur le quinquennat dont 50 000 dans la Fonction publique de l’État, et quand on sait que le ministère de l’Éducation Nationale emploie 40 % des agents de l’État, nul doute que l’éducation sera amenée à payer un lourd tribut.

Un service public moderne doit pourtant assurer l’ensemble de ses missions. On peut prendre l’exemple du remplacement des personnels absents, poste souvent sacrifié en premier. La continuité nécessaire du service public nous fait revendiquer un volant de titulaires remplaçants. Mais dans de trop nombreux services publics, l’absence d’un agent se traduit en réalité par la redistribution des tâches sur les agents présents, sans même compensation financière dans la plupart des cas. Cette pratique détestable accroît la charge de travail de tous. C’est trop souvent devenu le cas aussi dans l’éducation, en particulier pour les Conseillers principaux d’éducation ou les AED (assistants d’éducation) qui ne sont bien souvent pas remplacés, y compris sur des absences longues comme les congés de maternité. Il faut dès lors que chacun fasse le travail de plusieurs personnes ! Côté professeurs, les tentatives pour faire remplacer les enseignants par leurs collègues de l’établissement eux-mêmes se sont toutes heurtées à l’infaisabilité pratique, remplacer un collègue au pied levé quand on n’a par exemple pas le temps de prendre connaissance de sa progression avec ses élèves et donc de préparer une séquence en conséquence est impossible à faire sérieusement quand on a déjà, avec ses classes, entre 41 heures et 45 heures de temps de travail hebdomadaire moyen (selon la dernière étude disponible sur la question du temps de travail des enseignants des premier et second degrés). La seule solution serait donc de recruter d’une part des étudiants-surveillants qui assurent des études sur les très courtes absences, et des titulaires remplaçants pour faire face aux besoins. Malheureusement, la première de ces solutions a été abandonnée en 2002, la deuxième est en passe de l’être en raison du sous-recrutement.

Un autre mantra libéral réside dans le développement de « l’autonomie des établissements » dans le second degré. Les collèges et les lycées disposent depuis 1985 d’une autonomie pédagogique qui porte notamment sur l’emploi de la dotation en heures d’enseignement et d’accompagnement personnalisé, les modalités de répartition des élèves (classes, groupes), le projet d’établissement, les expérimentations, les voyages scolaires… Ce cadre juridique donne aux équipes la possibilité d’exprimer via leurs représentants en conseil d’administration leur volonté pour ce qui relève de ces domaines. La réforme du lycée Chatel a élargi ce champ de l’autonomie, en laissant aux établissements le choix de l’emploi des « heures de marge », comme les 10 heures par division en Seconde, l’organisation des enseignements d’exploration, de l’accompagnement personnalisé… La réforme du collège a repris ces dispositions auxquelles s’ajoute le conseil de cycle devant définir les progressions.

Jean-Michel Blanquer déclarait dès sa prise de fonction : « je veux créer plus d’autonomie des acteurs, plus de liberté, plus de pouvoir d’initiative », reprenant ainsi une antienne vieille de plus de 30 ans dans une version « start up nation » chère au président.

Moins d’un an après ces déclarations, leur traduction concrète a bien peu à voir avec le respect de l’expertise professionnelle. On voit par exemple en ce moment les collèges sommés de choisir entre le maintien d’un enseignement de langues anciennes ou régionales et une heure en groupe à effectifs réduits. Au-delà de la volonté de masquer la pénurie dont on renvoie la gestion au niveau local en espérant qu’ainsi elle se remarque moins, elle met les établissements en concurrence et renforce les inégalités. Dans l’exemple donné ci-dessus, le choix local devient le marqueur et l’élément qui renforce les inégalités : aux uns une soi-disant excellence marquée par le maintien d’une langue ancienne, aux autres le traitement de la difficulté scolaire. Cette concurrence est supposée améliorer une « performance » immédiatement mesurable.

Les conséquences sur les pratiques de classe sont très importantes. Ce développement de l’autonomie sous couvert de vouloir libérer les initiatives a mis en place un système basé sur la concurrence entre les établissements et entre les individus, chaque établissement étant renvoyé à la responsabilité de traiter seul ses difficultés. Les chefs ont des pouvoirs renforcés et les équipes pédagogiques sont mises sous tutelle des conseils pédagogiques, de cycle, école-collège. Le vrai travail d’élaboration des choix collectifs pertinents est de plus en plus difficile.

Une des premières missions du service public est d’assurer l’égalité d’accès à l’éducation sur tout le territoire. Les habitants des banlieues, des villes moyennes, des départements et territoires d’outre mer et des territoires ruraux ont droit à une éducation de qualité. La politique d’éducation prioritaire n’a toujours pas fait l’objet d’annonces de la part de Jean Michel Blanquer alors que le programme d’Emmanuel Macron promettait sa relance, en particulier par la création d’une nouvelle prime de 3 000 euros par an versée aux personnels qui y sont affectés. Le rapport Borloo de mai 2018, fraîchement accueilli par le Président et le gouvernement pour les raisons budgétaires que l’on sait, a pourtant démontré que le besoin d’investissements dans tous les services publics, dont l’éducation, est criant dans ces territoires. Continuer à délaisser des populations entières est inacceptable. Au-delà de la question principale des moyens supplémentaires qui doivent être alloués pour reconnaître la spécificité des territoires, la vigilance s’impose particulièrement en éducation car la tentation a toujours été de ne plus « donner plus à ceux qui ont moins », philosophie initiale des politiques d’éducation prioritaire et qu’il faut poursuivre et amplifier, mais de leur donner « autre chose », ce qui fait souvent glisser vers une éducation au rabais. Ainsi, pourquoi proposer, comme le fait Jean-Louis Borloo que nous critiquons sur ce point, qu’écoles et collèges soient mis en réseau sous la direction du principal de collège ? Les objectifs des collèges des quartiers populaires pourraient dès lors être centrés sur l’approfondissement des enseignements du primaire, quand ceux des autres collèges seraient la construction d’une culture commune et amèneraient « naturellement » sur le lycée et les poursuites d’études. C’est cette divergence qu’il faut éviter absolument, la jeunesse des quartiers populaires a le droit à un enseignement dont les objectifs sont identiques à ce qui se pratique sur le reste du territoire.

Globalement, on peut avancer l’idée que dans l’éducation comme dans tous les services publics, la dégradation créée par la pénurie de moyens sert ensuite de justification à une accélération des réformes qui ne règlent rien sur le fond.

De la même manière que le tirage au sort des lauréats du baccalauréat en raison de l’absence de créations de postes d’enseignants en nombre suffisant à l’université a été instrumentalisé pour justifier ensuite la mise en place de la sélection à l’entrée à l’université. C’est en réalité dans de nombreux domaines que, surfant sur des dysfonctionnements créés par une pénurie de moyens, le gouvernement impose aux services publics une série de régressions à marche forcée : Parcoursup, baccalauréat, orientation, lycée, formation professionnelle, retour aux fondamentaux au primaire, instrumentalisation de certaines sciences pour asseoir des préconisations pédagogiques parfois contraires aux programmes, injonctions, complaisance pour l’école privée, promotion de l’apprentissage pré-bac aux dépens des lycées professionnels. Les choix faits aujourd’hui consistent à augmenter les outils de sélection, réduire les moyens d’enseignement, dénaturer le caractère national du bac, soumettre la formation professionnelle aux besoins des entreprises et abaisser la fin de scolarité à la maîtrise des fondamentaux pour une part des élèves… Cette politique renforce les inégalités scolaires en maintenant le poids des déterminismes sociaux. Or, le service public est le bien commun seul à même de répondre aux ambitions démocratiques de l’École. Garantir un service public d’éducation est un devoir de l’État fixé par la Constitution. Certaines réorganisations font et feront la part belle aux initiatives privées dont la finalité économique et sociale est loin de servir l’intérêt général. La multiplication des discours institutionnels favorables aux projets privés est un choix idéologique, exercé aux mépris de l’analyse objective et des valeurs de laïcité indispensables à notre société. Seul le service public peut garantir l’intérêt général. Remettre en cause ce principe constitue un risque majeur.

Le statut est la réponse la plus adaptée à ces exigences de service public

Dans l’enseignement comme dans toute la Fonction publique, le gouvernement présente le statut comme une source de rigidités et ses défenseurs comme des idéologues arc-boutés sur la défense de prétendus « privilèges ». Certaines caricatures du statut en font même une protection exorbitante et quasi imparable de travailleurs pouvant quasiment refuser le travail qu’on leur donne. C’est oublier que si l’autonomie professionnelle se traduit en particulier pour les enseignants par le principe de liberté pédagogique, le statut prévoit aussi la nécessité pour l’enseignant de rendre des comptes et le contrôle par l’État de son travail.

Le statut est avant tout une garantie pour les usagers de qualité et d’accessibilité au service public et pour les personnels une protection contre les pressions de tous ordres, leur permettant de remplir correctement leur mission. Le fonctionnaire est dans une position « statutaire et réglementaire », ce qui signifie qu’il n’est pas dans une relation contractuelle avec son employeur puisqu’il est au service de l’intérêt général. Le statut est caricaturé, or il est un équilibre fin entre le principe de hiérarchie qui fait qu’un fonctionnaire doit se conformer aux ordres qui lui sont donnés, et en particulier un enseignant doit enseigner ce qui est contenu dans les programmes définis nationalement, et un principe de responsabilité qui fonde son activité sur sa conscience professionnelle plutôt que sur sa simple soumission aux ordres reçus et in fine garantit donc son indépendance.

Dans l’éducation tout particulièrement, le statut est une réponse à la question posée dès la Révolution Française, en particulier par Condorcet, de l’indépendance du savoir et de sa transmission par rapport à l’autorité politique : « Aucun pouvoir ne doit avoir ni l’autorité ni même le crédit, d’empêcher le développement des vérités nouvelles, l’enseignement des théories contraires à sa politique particulière ou à ses intérêts momentanés. » On n’enseigne pas ce que tel ou tel groupe de pression pense souhaitable d’enseigner, ni même ce que les parents croient ou souhaitent. On enseigne les connaissances établies par la science, dans un cadre qui est celui des « valeurs de la République ». Et il ne s’agit surtout pas d’inculquer aux élèves une morale ou un savoir officiels mais de leur permettre de se construire comme individus libres, citoyens responsables et travailleurs aux qualifications reconnues et maîtres de leur activité. Dès lors, la « liberté pédagogique » est en réalité la seule garantie d’un exercice correct du métier enseignant. Ce n’est même pas qu’il serait plus « agréable » ou « confortable » d’exercer son métier avec une moindre pression, c’est tout simplement que c’est nécessaire. Pour que l’enseignement soit pertinent et profitable aux élèves, il faut un personnel qui ait conçu cet enseignement. Un enseignant fait en permanence des choix face à des situations qui n’ont pu être toutes modélisées, ces choix sont d’autant plus pertinents qu’il sont éclairés et conscients. Dans la même idée, le statut confère au fonctionnaire la pleine jouissance des droits du citoyen. Ce n’est pas forcément le cas dans un grand nombre de fonctions publiques, par exemple l’Allemagne ne reconnaît pas le droit de grève à ses fonctionnaires. En France, le préambule de la Constitution qui affirme que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » s’applique pleinement aux fonctionnaires et donc aux enseignants. On peut prendre pour exemple les CAP, commissions administratives paritaires, où les représentants des personnels siègent à égalité avec l’administration pour donner un avis sur l’ensemble des actes individuels de gestion (mutations, promotions, sanctions disciplinaires, etc.) et que les organisations syndicales ont particulièrement réussi à faire vivre dans l’éducation au bénéfice d’un traitement équitable et transparent des personnels.

Le gouvernement parle de « refonder le statut » mais les 120 000 suppressions de postes annoncées et la réalité des projets qu’il a d’ores et déjà présentés ne laissent aucun doute sur son intention véritable. Qui peut croire que recourir à davantage de personnel précaire sera de nature à améliorer le service public ? C’est pourtant ce qu’a présenté le gouvernement comme une piste à développer massivement. Ainsi, le gouvernement espère créer deux voies de recrutement, une par le concours et une autre par la voie de la précarité, avec à termes un alignement de tous sur l’absence de statut. Quelle « modernisation » est attendue si le gouvernement supprime le CHSCT, seul espace de prise en compte des questions d‘organisation du travail ? Et en diminuant le rôle des commissions paritaires, ne cherche-t-on pas à renforcer le poids des hiérarchies intermédiaires dans la gestion des carrières et des mutations des agents, au risque de voir se développer opacité et phénomènes de favoritisme ?

À l’inverse des conceptions managériales qui prétendent faire des personnels des exécutants dociles des consignes de leur hiérarchie, le statut, en articulant principe hiérarchique, responsabilité individuelle et responsabilité collective permet un travail efficace et une continuelle adaptabilité aux besoins et aux finalités de l’action publique. Grâce à leur statut de fonctionnaires de l’État, les personnels d’enseignement répondent aux besoins d’un service public national à l’abri des pressions de tous ordres. L’Éducation du xxie siècle mérite une politique déterminée sur des objectifs de réussite pour tous les élèves et dotée des moyens nécessaires pour y parvenir.zzz

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* Secrétaire général adjoint du SNES-FSU, membre du secrétariat national de la FSU.

 

 

Loi ELAN : qui pilotera et pour quoi faire ?

Par Morin Alain, le 31 May 2018

Loi ELAN : qui pilotera et pour quoi faire ?

Derrière la vitrine d’une prétendue modernisation de notre modèle original du logement social, mais qui dans les faits en renierait ses principes de progrès social, le projet de loi Elan1 est avant tout un chantier pour fragiliser ses digues limitant encore les pressions des logiques du profit au service du marché. Si les révolutions écologique, informationnelle et démographique (familles monoparentales et recomposées, vieillissement de la population de son parc, accès au logement des jeunes) mettent au cœur du logement social l’exigence de coopérations et de mutualisations permettant de réduire les coûts et de développer de nouveaux services, le projet de loi Elan privilégie les regroupements autoritaires des organismes dans quelques grands groupes obnubilés par la rentabilité. La priorité est donnée à la valorisation des biens immobiliers par les ventes de logements et d’immeubles et à la réponse aux exigences patronales de mobilité des salariés au détriment des locataires comme aux territoires.

 

Pour imposer un tel chambardement le gouvernement a frappé à la caisse des organismes pour les contraindre à accepter ses conditions et les modalités de restructuration du secteur du logement social. Dans ce projet, les locataires, les collectivités locales et le service public du logement sont dans le collimateur. Des contre-propositions ont été avancées, concernant la restructuration de secteur du logement social, notamment par la Fédération des OPH. Mais ce projet n’en reste pas moins globalement dans la continuité de l’offensive brutale qu’avait déjà révélé le coup de force de l’article 52 de la loi de finances 2018 privant les bailleurs de 3 milliards d’euros sur 3 ans. Le recours autoritaire aux ordonnances est annoncé pour l’adoption de nombreux articles.

Face à ce coup de force et au brouillage idéologique, l’information des locataires, des élus et de toutes les organisations et les institutions concernées doit s’amplifier et la contre-offensive s’organiser rapidement pour vraiment préserver et promouvoir, en le modernisant, cet outil du progrès social. En effet il y a urgence : le projet de loi sera discuté au parlement au mois de mai et juin prochain.

Coup de force contre les HLM

En réduisant autoritairement de 3 milliards d’euros les moyens des organismes de logement social, Emmanuel Macron a visé un double objectif :

– faire monter l’idée que l’argent des organismes de logement social est sous-utilisé et qu’une « mutualisation » de leurs moyens, renforcée par un grand mouvement de concentration des organismes du secteur programmée par la loi Elan dégagerait les financements pour relancer la construction et la réhabilitation du logement social tout en permettant un retrait des aides de l’État.

– déstabiliser l’ensemble du secteur HLM pour remettre en cause sa gouvernance. Alors que le modèle actuel oblige l’État à prendre en compte, dans son pilotage du logement social, les institutions du logement social (représentant les bailleurs et les locataires), les collectivités locales, les banques et les entreprises, le modèle qui se dessine marginaliserait les élus de proximité et le mouvement HLM dans sa diversité.

Les méthodes utilisées pour imposer ce choix aux acteurs du logement social ne sont pas sans rappeler celles pratiquées par les prédateurs financiers pour mettre la main sur une entreprise.

De la RLS…

Le prélèvement massif de l’État sur les organismes HLM au titre de la Réduction de loyer de solidarité, qui ne bénéficie en rien aux locataires va déstabiliser le tissu HLM.

Cette réduction du loyer des allocataires de l’APL entraîne une perte sur 3 ans de 3 milliards d’euros pour les bailleurs sociaux. Il va mettre à la merci des organismes les plus puissants tout ou partie du patrimoine des bailleurs les plus fragiles qui représentent environ 40 % de l’ensemble des bailleurs sociaux. La RLS apparaît clairement comme ciblée pour affaiblir le secteur public du logement.

Si tous les organismes de logement social vont être affectés par la RLS, son impact sera très différent selon les cas. En effet, cette mesure frappe bien plus durement ceux qui ont le plus de locataires relevant de l’APL puisque la baisse des loyers privant les HLM de ressources correspond à celle des APL. C’est le cas des OPH qui comptent dans leur parc 54 % d’allocataires aux APL (47 % pour les ESH). Ces OPH logent les familles les plus modestes avec les loyers les plus bas2. Alors qu’ils disposent de moins de recettes ils pourraient subir les plus fortes baisses.

Si pour calmer le jeu une péréquation dans sa mise en œuvre a été annoncée, celle-ci selon l’accord-cadre ESH-Procivis3-état « permettra de prendre en compte la proportion de ménages défavorisés dans le parc de chaque organisme tout en accompagnant à moyen terme la restructuration du secteur ». Il s’agira donc d’une aide non encore chiffrée mais conditionnée à leur soumission aux exigences de la politique de concentration de la réforme.

… À la loi Elan

Place au marché

La loi Elan accentuerait encore ce choc créé par la RLS puisqu’il va pousser au pas de charge sur 3 ans une restructuration de l’ensemble du secteur pour accélérer les concentrations. Dans ce but il obligerait tout organisme de moins de 15 000 logements à fusionner avec un ou plusieurs autres et donnerait au ministre du Logement le droit de dissoudre d’autorité des organismes gérant moins de 1 500 logements non intégrés dans un groupement4.

Mais comme le souligne Isabelle Rey-Lefebvre, les regroupements forcés de la loi Élan visent d’autres objectifs que ceux de la mutualisation de moyens : « Le projet Macron n’est en effet pas seulement d’organiser une péréquation entre organismes riches et pauvres, mais surtout de les transformer tous en entreprises à structure capitalistique, avec des actionnaires » 5… « Depuis son élection, Emmanuel Macron a, à plusieurs reprises, sonné la charge contre le logement social »… « il n’y a pas de bonne circulation du capital », justifiait-il, le 6 octobre 2017 »… «Il s’agit donc de donner une valeur à ce patrimoine dans la perspective de le vendre… Le gouvernement parle « d’accession à la propriété », « de vente aux occupants » au rythme de 45 000 cessions par an, soit 1 % du parc. Les bailleurs sociaux devront reverser 10 % du produit de ces ventes à un fonds national pour la construction, permettant à l’État de se désengager un peu plus encore. Mais intégrer la vente future d’un logement social dans son plan de financement, donc le montant de son loyer, c’est envisager une cession systématique : un changement radical de modèle économique. »

Vendre le patrimoine pour construire

La vente des logements sociaux est au cœur du projet Elan.

Dans le passé, le prétexte pour vendre était celui de l’aspiration à « l’accession sociale à la propriété » de ses occupants ou encore pour favoriser la mixité sociale. Dans le projet de loi Elan, les ventes doivent avant tout constituer la ressource essentielle pour construire de nouveaux logements et pour réduire les aides publiques à la construction6.

Déréglementation…

Les ventes de logements seraient « libérées » : l’autorisation préfectorale ne serait plus nécessaire, le droit de préemption des communes supprimé.

En cas de vente entre organismes, qui ne nécessiterait plus l’agrément du préfet sauf exception, le prix de vente serait fixé par le vendeur. Cela accélérerait les acquisitions par les groupes les plus riches et les concentrations, et briserait les principes de solidarité du logement social puisque les prix de ventes entre organismes seraient déterminés par le marché au lieu de l’être comme actuellement par leur valeur nette comptable.

La vente d’un logement vacant serait ouverte d’abord aux locataires du logement social du département, mais la quasi-suppression des APL accession rendrait très improbable la vente à ce public aux revenus insuffisants7. Puis dans l’ordre la collectivité locale pourrait l’acquérir et enfin toute autre personne physique. L’objectif visé est peut-être l’ouverture aux « personnes physiques » disposant des moyens financiers pour assurer des opérations juteuses, notamment dans les plus belles réalisations et les quartiers les plus attractifs.

Concernant le chiffrage du produit des ventes le rapport de l’étude d’impact de la loi reprend celui de l’étude du Conseil général de l’environnement et du développement durable : la vente de 32 000 logements pourrait rapporter 2,8 milliards €8, soit un prix moyen de 62 500 €. Or, par exemple, le coût d’un logement PLUS, le plus courant dans le logement social, réalisé qui s’élevait en 2000 à 78 000 € n’est-il pas largement amorti depuis 18 ans. Comment prétendre que les locataires pouvant postuler auraient les moyens de l’acquérir ?

Les outils de la réforme

De nouvelles institutions – les « sociétés de ventes d’habitations à loyers modérés » – seraient créées pour accélérer les ventes de logements. Elles auraient pour fonction l’acquisition de biens immobiliers. Action logement a déjà décidé de créer une filiale dédiée à l’achat en bloc de logements sociaux puis à leur vente. Ainsi l’argent des cotisations sociales des entreprises pourrait être mis au service du remplacement ou de la transformation de logements sociaux en logements intermédiaires ou pour la destruction d’une partie du logement social.

Ces ventes excluent les logements des quartiers de la politique de la ville, les immeubles de moins de 10 ans ainsi que les immeubles des communes qui ne respectent pas le quota obligatoire de logements sociaux. Mais cela représenterait encore un potentiel de 800 000 logements « vendables ».

Le ministre des Finances estime qu’une vente d’un logement pourrait permettre de construire trois logements. Et donc qu’avec 800 000 logements on pourrait viser un objectif de 2,4 millions de logements sociaux supplémentaires. Ce qui est totalement illusoire si ces logements ne sont pas livrés à la spéculation.

Il s’agit donc comme le souligne Eddie Jacquemart, Président de la Confédération nationale du logement, d’une « privatisation d’un bien public financé par la solidarité nationale » associant par leurs financements l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et les locataires.

Danger pour les territoires

Les élus de terrain soucieux des besoins de leurs collectivités locales auront de moins en moins de prise sur les décisions de construction, de réhabilitation et d’intégration du logement social dans l’aménagement de leur ville. Certes on continuera pendant 10 ans (au lieu de 5 ans) à comptabiliser ces logements vendus dans les quotas de logement social au titre de la loi SRU mais chaque logement vendu sera retiré de l’offre faite aux demandeurs de logement.

Or les collectivités locales ont financé pour une part ces logements. Elles ont garanti les emprunts et permis ainsi aux bailleurs de bénéficier de taux plus bas. Mais elles n’ont aucune garantie que d’autres logements seront construits car avec la restructuration du secteur la prise des villes et des villages sur les décisions serait fortement réduite. Les décisions structurantes seront monopolisées par les groupes dominants du secteur social (Action logement, CDC – logement…), le marché, les banques et l’État.

Relever le défi

Mais ces objectifs guidés par le profit se heurtent aux exigences des locataires, des populations et des élus. Ils attendent des bailleurs du logement social qu’ils répondent à leurs besoins de logement en qualité et en quantité en rapport avec les revenus des familles, avec des projets immobiliers intégrés dans la ville, qu’ils élargissent leurs missions sociales avec le développement de nouveaux services pour les locataires (pour les personnes âgées, crèches de quartier, alphabétisation…), qu’ils aident les initiatives éducatives et culturelles.

Des contre-propositions sont avancées par les associations de locataires pour élargir leurs pouvoirs d’intervention dans la gestion et au sein des institutions et pour responsabiliser l’État dans le financement du logement social, en relevant massivement ses aides publiques à la pierre.

Particulièrement concernée par le projet de restructuration du secteur, la fédération des OPH a présenté un contre-projet avec :

– la création d’une institution : la Communauté d’organismes pour favoriser notamment « la mutualisation des fonds propres et la capacité collective de lever des fonds propres pour répondre aux attentes locales de l’habitat ». La création d’une telle institution, dont le statut serait celui de société anonyme, a été retenue dans le projet de loi ainsi qu’une partie limitée du contenu proposé par ses initiateurs. Ce sujet fera sans doute l’objet d’un large débat.

– Élargissement des compétences des organismes sociaux aux services des locataires (maisons médicales, ou maisons de santé, établissements et services sociaux et médico-sociaux).

– Élargissement des compétences des organismes sociaux aux services des collectivités locales (ingénierie).

Une campagne de sensibilisation des locataires et des élus de terrain pesant sur la discussion parlementaire devra s’intensifier pour défendre le service public du logement social. Celui-ci est menacé par les choix ultralibéraux de la politique gouvernementale et la constitution de groupes hyper dominants au service du marché. Ce combat doit aussi permettre au service public de conquérir les moyens d’affronter les nouveaux défis du logement social par des coopérations et des mutualisations respectueuses du choix de chaque organisme. Ce qui passe aussi par la conquête de pouvoirs des locataires et des élus, notamment sur l’utilisation de l’argent dans tout le secteur du logement.

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1. Elan : portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

2. Les loyers des OPH sont en moyenne inférieurs de 18 % à ceux des ESH et de 40 % de ceux du secteur libre.

3. Procivis représente les intérêts de 53 sociétés anonymes d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété. Son réseau gère 200 000 logements sociaux.

4. Dans ce cas le ministre peut imposer son rachat par un organisme de logement social.

5. « Macron, le président qui voulait privatiser les HLM », par Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 24.01.2018.

6. Pour le député François Jolivet (LREM, Indre), qui envisage déjà certaines modifications du projet de loi, « l’idée est de sortir du « financement par les subventions publiques » en permettant aux offices HLM de se transformer en ESH, coopératives, Semop ou SPL ». « Elan : les pistes d’amendements évoquées par les parlementaires aux 13e rencontres pour le logement et l’immobilier » par Lucie Romano, publié le 28 mars 2018, Habitat et Urbanisme.

7. Le niveau de vie médian de locataires est inférieur à celui de la population générale : 15 900 €, contre 20 200 €.

8 - Etude d’impact de la loi Elan page 186.

 

 

L'évolution de l'apprentissage de l'économie au lycée en question*

le 31 May 2018

L’absence de pluralisme dans l’apprentissage de l’économie à l’université risque de se retrouver aussi au lycée.

 

Dans une tribune parue dans le journal Les échos en 20171, Éric Le Boucher, journaliste et directeur de rédaction des Enjeux-les Échos, affirme que l’absence de culture économique des Français ne leur permet pas de comprendre les réformes portées par Emmanuel Macron.

Pire encore, l’apprentissage de l’économie leur en donne une vision tronquée !

Il affirme : « La vérité est que le lycée n’apprend pas l’économie aux Français, il lui apprend à se méfier de l’économie. Voilà pourquoi les Français ne comprennent rien aux réformes macroniennes et les “politisent” de façon caricaturale. Il faudra que le président de la République s’en préoccupe. »

Quel est donc l’apprentissage actuel de l’économie des jeunes qui les pousse tant à « politiser » les réformes et quelle direction semble prendre la rédaction des futurs programmes d’économie au lycée ?

État des lieux de l’apprentissage de l’économie au lycée aujourd’hui

Avant l’université ou les autres établissements d’enseignement supérieur, l’économie est étudiée pour la première fois au lycée. Les élèves peuvent l’aborder dès la classe de seconde en enseignement exploratoire et poursuivre en première et en terminale avec un bac ES (économique et social).

Ce bac est aujourd’hui choisi par de nombreux lycéens (33 % des bacs généraux en 2017), ses effectifs sont aussi en augmentation.

Les sciences économiques et sociales (SES) existent au lycée depuis 1969 (premier bac « B »).

Une place importante avait été faite à l’interdisciplinarité, les programmes avaient une approche par objet et par questionnement (par exemple concernant la notion d’inégalité : comment peut-on analyser les inégalités ?), l’économie ET la sociologie étaient alors mobilisées afin de traiter un chapitre. Les inégalités pouvaient être par exemple analysées en termes de revenus mais aussi d’inégalités d’accès à des positions de pouvoir.

En 2011, une réforme des programmes de SES a commencé à remettre en question cette logique d’interdisciplinarité. Le principe d’une séparation plus nette entre économie et sociologie a été acté, l’approche interdisciplinaire n’ayant lieu que dans quelques chapitres périphériques (les « regards croisés »), un certain recul de la sociologie a aussi été entériné.

N’en reste pas moins que les SES ont aujourd’hui une place importante au sein du bac économique et social avec un nombre important d’heures de cours ainsi qu’une diversité des thèmes abordés en classe (croissance, commerce international, développement durable, place et rôle de l’État dans l’économie, monnaie, marché etc.) permettant aux lycéens d’être formés aux sciences sociales, préparés aux études supérieures et d’être formés de manière critique à la citoyenneté.

L’apprentissage de demain : en marche vers un catéchisme libéral ?

Depuis 2017, le ministre Jean-Michel Blanquer met en place à marche forcée une réforme du lycée. Sans rentrer dans une description de cette réforme et au-delà des changements d’heures attribués aux SES ; la rédaction de nouveaux programmes devrait officiellement commencer à être discutée dès octobre 2018 (en effet, il est prévu que, dès 2020, le nouveau bac soit mis en place).

L’écriture de ces programmes risque d’être influencée par des lobbys pro-patronat parmi lesquels l’académie des sciences morales et politiques (ASMP) présidée par Michel Pébereau (ex PDG de la BNP Paribas).

Pour l’ASMP, l’enseignement actuel des SES « témoigne d’une ambition encyclopédique démesurée, illusoire, et finalement néfaste ». Les propos lors de l’un de ses colloques organisé le 30 janvier 2017 laissent entrevoir toutes les passions suscitées par l’idée que Marx puisse encore être étudié par des lycéens :

« Doit-on parler de Marx ? Pourquoi ne pas le laisser au programme d’histoire ? Qui parle encore aujourd’hui de classe sociale ? La précarité peut arriver à tous. »2

L’ASMP propose de réduire les programmes à des « concepts fondamentaux », de se recentrer sur la micro-économie3, et de parler davantage du fonctionnement de l’entreprise et des mécanismes de marché.

On apprendrait donc à des élèves à mieux gérer leur budget, à utiliser des modèles simplistes de fonctionnement d’une entreprise et surtout à en avoir une vision positive.

Dans la continuité de l’enseignement supérieur, une place plus importante serait faite à l’usage des mathématiques en économie.

Inquiétant car l’ASMP, malgré son absence de poids au sein des professeurs de SES, a l’oreille du ministre. Pierre-André Chiappori et Georges de Ménil, deux correspondants de l’Académie des sciences morales et politiques feraient partie du groupe d’experts chargé de rédiger les nouveaux programmes. Pour n’en présenter qu’un, Pierre-André Chiappori réprouvait que les manuels de SES présentent les risques sur les marchés financiers, quelques semaines avant que n’éclate la crise des subprimes !

Ne pas idéaliser la situation actuelle

Si le programme de SES actuel aborde de nombreuses notions et débats économiques, il ne faudrait pas non plus croire qu’un pluralisme idéologique y est présent. Si pluralisme il y a, c’est un pluralisme limité ; les débats économiques se résumant souvent à un face à face entre économistes keynésiens et néoclassiques.

Il est ainsi révélateur d’observer que la notion de capitalisme est inexistante dans les programmes actuels. Les analyses de Marx sont uniquement abordées en sociologie (analyse des classes sociales) mais jamais dans leur dimension économique. On peut d’ailleurs faire la même remarque en ce qui concerne l’université. Les libéraux qui prétendent défendre le pluralisme opèrent donc en réalité un contrôle très poussé de l’apprentissage de l’économie.

Une part très importante du programme de première et terminale est actuellement consacrée aux mécanismes de marché et laisse peu de place (et surtout de temps !) à l’étude de visions alternatives.

Conclusion

L’absence de pluralisme dans l’apprentissage de l’économie à l’université (rappelons que le programme de licence correspond au programme de pensée des économistes néoclassiques) risque donc d’arriver dans l’enseignement secondaire.

Cela est révélateur du fait que la bourgeoisie mène aussi la lutte sur le terrain des idées, il faut que les lycéens aient pour unique grille de lecture du monde le marché.

Il faut aussi rapprocher ces évolutions des attaques très violentes des économistes ayant une approche historique et politique (on peut notamment penser au débat ayant fait suite à la parution de l’ouvrage de Pierre Cahuc et André Zylberberg4 visant à disqualifier tous les économistes n’ayant pas leur méthode de travail en déniant la qualité scientifique même du travail des économistes hétérodoxes).

Il faudra donc être vigilant, se mobiliser pour un apprentissage de plusieurs grilles de lecture en économie au lycée. Ce sont bien les économistes marxistes et postkeynésiens qui avaient alerté de l’imminence d’une crise en 2008 quand les néoclassiques vantaient les mérites des marchés autorégulateurs, leur absence de culture économique se paie encore aujourd’hui.

Une seule certitude, c’est la mobilisation et la lutte qui paieront. L’APSES (association des professeurs de sciences économiques et sociales, de très loin majoritaire chez les professeurs de SES) avait appelé à un rassemblement le 11 avril 2018 devant le ministère de l’éducation nationale, initiative réussie mobilisant des centaines de professeurs de SES de toute la France, espérons que les mobilisations à venir. zzz

 

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* Pour plus d’informations concernant l’évolution de l’enseignement de l’économie au lycée, consulter la première partie de l’ouvrage de Marjorie Galy, Erwan Le Nader et Pascal Combemale, Les Sciences économiques et sociales, La découverte, 2015, pages 22 à 52.

** Professeur de sciences économiques et sociales.

1. « Macron face à l’inculture économique des Français », Les Échos, 2 novembre 2017.

2« SES vs Académie : Premier round », article du site café pédagogique, 31 janvier 2017.

3. « Même si elle est utile, la macro-économie est encore trop présente aujourd’hui dans l’enseignement, alors que beaucoup de problèmes macro-économiques contemporains sont trop compliqués pour des lycéens. D’ailleurs, ils ne font pas l’objet d’un consensus », interview 2017 de Pierre-André Chiappori.

4. Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le Négationnisme économique, Flammarion, 2016.